Le gouvernement veut durcir les règles des arrêts maladie dans la fonction publique en augmentant le nombre de jours de carence. Mais cette mesure est-elle vraiment justifiée ? Pas si sûr, si l’on en croit les études et les chiffres qui montrent que le jour de carence actuel n’a pas eu l’effet escompté sur l’absentéisme, et que d’autres solutions, comme la prévention, sont bien plus efficaces.
Un absentéisme en baisse… sans jour de carence supplémentaire !
Contrairement à ce que prétend le gouvernement, l’absentéisme dans la fonction publique peut diminuer sans avoir recours à des mesures punitives. Le Panorama 2024 sur la Qualité de vie au travail et la santé des agents territoriaux publié par Relyens montre que le taux d’absentéisme en 2023 est en légère baisse par rapport à 2022 (9,6% contre 9,7%), alors même qu’aucune mesure restrictive n’a été mise en place.
Des arrêts plus longs, mais pas à cause du jour de carence
Il est vrai que la durée des arrêts maladie s’est allongée depuis 2018, atteignant 51 jours en moyenne en 2023. « Les arrêts de plus de 15 jours sont moins nombreux, mais ils concernent 85 % des jours d’arrêt. Quant aux arrêts les plus longs (entre 181 jours et un an), ils représentent plus du quart (26,6 %) du total des jours d’arrêt pour maladie ordinaire », précise l’étude.
Cependant, rien ne prouve que cette augmentation soit liée au jour de carence. Comme nous l’avons vu précédemment, le jour de carence n’a aucun impact sur les arrêts longs, qui sont souvent liés à des maladies chroniques ou à des problèmes de santé plus graves.
Le jour de carence : un facteur aggravant ?
Il est même possible que le jour de carence aggrave la situation. En effet, certains fonctionnaires, souhaitant éviter de perdre une journée de salaire, repoussent le moment de s’arrêter et finissent par être plus malades et plus longtemps en arrêt.
Des facteurs structurels à prendre en compte
L’étude Relyens montre également que les collectivités avec un nombre important d’agents dans la filière technique ont plus d’arrêts maladie. Cela s’explique par les conditions de travail plus difficiles et les risques d’accidents du travail plus élevés dans ces métiers. Le jour de carence ne changera rien à ces facteurs structurels.
Femmes et familles monoparentales : une réalité à prendre en compte
Il est important de rappeler que la fonction publique compte une proportion plus importante de femmes que le secteur privé. Or, les femmes sont statistiquement plus souvent en arrêt maladie que les hommes, notamment en raison de la maternité et des responsabilités familiales. De même, la fonction publique compte plus de familles monoparentales, qui sont également plus sujettes aux arrêts maladie.
A répartition homme-femme et type de famille similaires, le nombre d’arrêts maladie entre le public et le privé serait peut-être beaucoup plus proche. Finalement, les fonctionnaires ne sont pas forcément plus souvent en arrêt maladie, ils ont juste un profil différent.
Venir travailler malade : un danger pour tous
En venant travailler malgré la maladie, les fonctionnaires augmentent non seulement le risque de contagion, mais aussi celui d’accident. Certains agents font alors « acte de présence » : physiquement au travail, mais incapables de travailler efficacement. Leur guérison est alors retardée, car ils ne peuvent se reposer correctement
La prévention : une vraie solution
L’étude Relyens met en évidence l’importance de la prévention pour lutter contre l’absentéisme. Les collectivités qui investissent dans la prévention des risques psychosociaux, l’amélioration des conditions de travail et le renforcement du suivi médical observent une diminution significative de l’absentéisme et de sa durée.
Le jour de carence : une fausse solution ?
Face à ces constats, l’augmentation du nombre de jours de carence apparaît comme une mesure inefficace et injuste. Elle risque même d’avoir des effets pervers, en incitant les agents à venir travailler malades ou à prolonger leurs arrêts pour « amortir » la perte de salaire.
D’autres pistes à explorer
Plutôt que de se focaliser sur le jour de carence, il serait plus judicieux de s’attaquer aux causes profondes de l’absentéisme, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport.
Parmi les pistes à explorer :
- La prévention des risques psychosociaux: stress, harcèlement, burn-out…
- L’amélioration des conditions de travail: ergonomie, organisation du travail…
- Le renforcement du suivi médical: visites médicales régulières, accès aux soins…
Conclusion
En conclusion, l’augmentation du nombre de jours de carence est une mesure contre-productive qui risque d’aggraver la situation. Comme l’a déjà montré la FAFPT dans ses précédents articles, cette mesure est injuste et ne prend pas en compte la réalité du secteur public. Il est temps que le gouvernement prenne conscience de la réalité du terrain et investisse dans des solutions efficaces et durables pour lutter contre l’absentéisme dans la fonction publique