Le gouvernement souhaite instaurer un délai de carence de 3 jours pour les arrêts maladie des fonctionnaires. Objectif affiché : lutter contre l’absentéisme et réaliser des économies. Mais cette mesure est-elle vraiment judicieuse ? Pas si sûr, si l’on en croit les spécialistes et les chiffres. Surtout que d’autres pistes d’amélioration existent, notamment en matière de prévention.
Un absentéisme plus élevé dans le public, mais des raisons objectives
Il est vrai que le taux d’absentéisme est plus élevé dans la fonction publique que dans le secteur privé. Comme l’explique le professeur Michel Debout, économiste de la santé interrogé par France Info, plusieurs facteurs expliquent cette différence :
- L’âge moyen des agents : les fonctionnaires sont en moyenne plus âgés que les salariés du privé (44 ans contre 41 ans), et donc plus sujets aux problèmes de santé.
- La féminisation de la fonction publique : les femmes sont plus nombreuses dans le secteur public, or, elles sont statistiquement plus touchées par les arrêts maladie, notamment en raison de la charge mentale liée à la maternité et à la gestion du foyer.
- La nature des métiers : certains métiers de la fonction publique, comme les professions de santé ou les métiers de l’éducation, sont plus exposés aux risques psychosociaux et aux maladies professionnelles. Un rapport du Ministère de la Transformation et de la Fonction Publiques (publié en juillet 2024) montre que les agents de la fonction publique sont plus souvent victimes de violences dans le cadre de leur métier que les salariés du privé (14% contre 12%).
Augmenter le délai de carence : une solution inefficace et potentiellement dangereuse
Face à ce constat, augmenter le délai de carence apparaît comme une solution simpliste et inefficace. « Si on rembourse moins bien les médicaments, les gens achètent moins de médicaments. Ça ne veut pas dire qu’ils n’ont pas été malades. Mais les arrêts-maladies, c’est pareil », souligne Michel Debout. En d’autres termes, réduire l’accès aux arrêts maladie ne résoudra pas le problème de fond, qui est la santé des agents.
Pire encore, cette mesure pourrait aggraver la situation. « Quand on augmente les difficultés pour accéder aux arrêts-maladies, c’est que les gens, en effet, prennent moins d’arrêts, mais quand ils les prennent, ils sont plus longs. Ça signifie que probablement leur état s’est dégradé », prévient l’économiste.
Des visites médicales obligatoires… mais pas toujours respectées
Un autre point important à souligner est le manque de suivi médical préventif dans la fonction publique. Si la loi oblige les employeurs territoriaux à organiser une visite d’information et de prévention au moins tous les 2 ans pour leurs agents, dans les faits, ce délai n’est pas toujours respecté. « certains fonctionnaires restent bien plus longtemps sans visite, parfois plus de 10 ans », déplore un représentant syndical.
A l’inverse, les employeurs du privé sont beaucoup plus contraints et contrôlés sur le suivi médical de leurs salariés, et risquent des amendes en cas de non-respect de la loi.
Quelles sont les vraies solutions ?
Plutôt que de se focaliser sur des mesures punitives comme l’augmentation du délai de carence, il serait plus judicieux de s’attaquer aux causes profondes de l’absentéisme et d’investir dans la prévention. Cela passe par :
- Améliorer les conditions de travail et prévenir les risques psychosociaux, notamment en luttant contre les violences et le harcèlement au travail.
- Promouvoir la santé au travail et encourager les comportements favorables à la santé.
- Accompagner les agents souffrant de maladies chroniques ou de problèmes de santé mentale.
- Renforcer le suivi médical préventif et s’assurer du respect de la loi en matière de visites médicales obligatoires.
En conclusion, augmenter le délai de carence pour les arrêts maladie apparaît comme une fausse bonne idée. Non seulement cette mesure est injuste et inefficace, mais elle risque également d’avoir des conséquences négatives sur la santé des agents et le fonctionnement des services publics. Il est temps de privilégier des solutions plus durables et plus humaines pour lutter contre l’absentéisme.