100 000 fonctionnaires territoriaux en moins : une proposition en décalage avec les réalités du terrain

Des missions variées mais toutes indispensables

Les collectivités locales assurent des missions de service public diversifiées et complémentaires. Les communes, cellule de base de l’administration territoriale, sont responsables de nombreux services de proximité : l’état civil, l’urbanisme, la gestion des écoles maternelles et élémentaires, ainsi que l’entretien des équipements sportifs et culturels. Elles jouent un rôle central dans l’animation de la vie locale et la mise en œuvre des projets d’aménagement du territoire. Réduire leurs effectifs signifierait priver les habitants d’un accompagnement de qualité dans leur quotidien, qu’il s’agisse de scolarisation, d’accès à des infrastructures sportives ou de gestion de l’urbanisme.

Les départements, quant à eux, sont principalement engagés dans l’aide sociale, le développement des infrastructures, et la gestion des collèges. Ils assurent également l’entretien des routes départementales, la protection maternelle et infantile (PMI) et le soutien aux personnes âgées et handicapées à travers la prestation de compensation du handicap (PCH) et l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Un grand nombre d’agents y sont mobilisés pour répondre aux besoins croissants de la population. Face à l’augmentation continue du nombre de bénéficiaires d’aides sociales, comment justifier une réduction des effectifs ?

Les régions sont responsables de la formation professionnelle, de la gestion des lycées, du développement économique et des transports (trains express régionaux, transports interurbains). Elles accompagnent également la transition écologique à travers des projets de protection de l’environnement et de développement des infrastructures vertes. Réduire les effectifs dans ce contexte reviendrait à entraver les ambitions de la France en matière de transition écologique et de formation des jeunes générations.

Des besoins sociaux en forte augmentation dans les départements

Les départements allouent une part significative de leur budget aux prestations sociales. Par exemple, l’aide sociale à l’enfance (ASE) est un secteur particulièrement sensible, avec un nombre d’enfants placés qui ne cesse d’augmenter chaque année. Cette situation est due à une combinaison de facteurs : précarité grandissante, familles en difficulté, augmentation des situations de maltraitance. Face à ces défis, les agents de l’ASE jouent un rôle crucial en accompagnant les familles et en prenant en charge les enfants placés. Comment justifier une réduction du nombre d’agents alors que les besoins explosent ? Réduire les effectifs dans un domaine aussi sensible risquerait de détériorer la qualité de l’accompagnement des enfants et des familles.

Les dépenses sociales ne concernent pas uniquement l’ASE. Les départements sont également responsables de la gestion des allocations telles que le RSA, l’APA, et la PCH. En raison de l’évolution démographique, les départements sont confrontés à une augmentation continue du nombre de bénéficiaires de ces prestations. La revalorisation des montants de ces aides, nécessaire pour suivre le coût de la vie, alourdit également le budget. Supprimer des postes, c’est réduire la capacité des agents à traiter les dossiers et à apporter un accompagnement humain, essentiel à ces personnes fragiles.

Des services publics de proximité assurés par les communes

Dans les communes, les agents territoriaux assurent une multitude de services de proximité : gestion de l’état civil, organisation des services scolaires et périscolaires, animation de la vie culturelle et sportive, gestion des espaces publics et des infrastructures. Ces missions nécessitent des ressources humaines importantes pour répondre aux attentes des habitants. La réduction des effectifs municipaux risque d’entraîner une dégradation de la qualité des services, un rallongement des délais de traitement, et une détérioration des équipements collectifs faute d’entretien régulier.

De plus, les agents communaux sont souvent les premiers interlocuteurs des citoyens en matière de sécurité, via les polices municipales, ou de solidarité locale, avec les centres communaux d’action sociale (CCAS). Dans un contexte de pression sociale accrue, réduire ces effectifs affaiblirait la capacité des communes à maintenir un lien de proximité indispensable avec les citoyens.

Le piège du recours au privé

Supprimer des postes dans les collectivités locales pourrait entraîner un recours accru au secteur privé pour assurer certaines missions de service public. Or, cette solution, souvent présentée comme plus économique, se révèle régulièrement plus coûteuse à long terme. Par exemple, dans certains départements, il est envisagé de supprimer les postes de chauffeurs qui assurent le transport des enfants placés ou de ne plus leur autoriser d’effectuer des heures supplémentaires. Pour pallier ce manque, les collectivités se tournent alors vers des taxis privés. Si, à première vue, la ligne comptable des salaires diminue, les dépenses globales augmentent en réalité. Ce phénomène s’observe également dans des domaines tels que l’entretien des espaces verts, la restauration collective ou l’aide à domicile.

Le service public ne doit pas être sacrifié sur l’autel de l’austérité

Il est indispensable de rappeler que les services publics, et les agents territoriaux qui les font vivre, ne sont pas des variables d’ajustement budgétaire. Ce sont des piliers de la cohésion sociale, garants de l’égalité d’accès aux services essentiels, quel que soit le lieu de résidence. Affaiblir ces services, c’est fragiliser le lien social, dégrader les conditions de vie de millions de Français, et finalement, accroître les coûts à long terme.

Les agents territoriaux, loin de se tourner les pouces, œuvrent chaque jour pour maintenir le lien social et répondre aux besoins croissants des Français. Une réduction des effectifs, notamment dans les secteurs de l’action sociale, de l’éducation ou de la santé, aurait des conséquences dramatiques pour les usagers, en particulier les plus fragiles. Plutôt que de tailler dans les effectifs, il est urgent de repenser la manière dont l’État soutient les collectivités locales, en tenant compte des réalités du terrain et des besoins de la population.

Conclusion

Le rapport de la Cour des comptes, en prônant une réduction massive des effectifs dans les collectivités locales, semble ignorer les spécificités du terrain. Il est temps de remettre l’humain au cœur des décisions et de soutenir les collectivités dans leurs missions de service public. La qualité du service public ne peut être maintenue avec toujours moins de moyens et d’agents. Réduire le nombre d’agents dans des secteurs stratégiques, c’est prendre le risque d’aggraver les disparités sociales et territoriales, et de compromettre la cohésion nationale.

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