Assistants Familiaux: Quand l’absence d’enfants confiés ne suffit pas pour un licenciement

Le récent jugement de la Cour administrative d’appel (CAA) de Marseille du 14 juin 2024 constitue une avancée dans la protection des assistants familiaux (AF) contre les licenciements abusifs. La décision stipule en effet qu’un employeur public ne peut pas licencier un AF en se fondant uniquement sur l’absence temporaire d’enfants à confier. Cette décision rappelle les obligations légales de justification et de rémunération des employeurs vis-à-vis de ces agents, soulignant un cadre protecteur renforcé en 2022 par la loi Taquet.

Le cadre légal : Article L. 423-32 du CASF

L’article L. 423-32 du Code de l’action sociale et des familles (CASF), introduit par l’ordonnance de 2007, est clair : si aucun enfant n’est confié à un assistant familial pendant une période de quatre mois consécutifs, l’employeur doit, à l’issue de ce délai, reprendre le versement de l’intégralité de son salaire. En cas de licenciement, ce dernier doit être fondé sur des motifs concrets et justifiés. Ainsi, il ne suffit pas d’arguer une absence de placement d’enfant ; cette absence doit répondre à une logique organisationnelle ou à des contraintes précises de service pour être légalement valable.

Ce cadre s’applique également à tous les départements qui doivent démontrer, en cas de licenciement pour « absence d’enfant à confier », l’impossibilité réelle et objectivement fondée de placer des enfants auprès de l’assistant familial concerné. Sans cela, l’AF peut légitimement revendiquer la reprise du versement de son salaire complet.

Loi Taquet de 2022 : Une avancée pour les assistants familiaux

La loi de 2022, appelée loi Taquet, a été décisive pour les conditions d’emploi des assistants familiaux. Avant cette loi, un AF sans enfant confié ne percevait, durant la période de quatre mois, qu’une rémunération basée sur la seule partie « fonction globale » du contrat, équivalente à 50 heures au SMIC. Cela représentait un montant inférieur au RSA, plongeant de nombreux AF dans une précarité financière importante.

Avec la loi Taquet, les employeurs doivent désormais verser au minimum 80 % du salaire contractuel pendant les périodes sans placement, calculé en fonction du nombre d’enfants prévu dans le contrat de travail. Cette mesure permet de garantir une base de rémunération aux assistants familiaux, même en période d’absence d’enfants, et assure un minimum de sécurité financière face aux aléas des placements.

Le jugement de la CAA de Marseille : un pas vers une meilleure sécurité pour les assistants familiaux

La CAA de Marseille a rendu un jugement important dans l’affaire opposant Mme B. au département du Var. Mme B., assistante familiale, a été licenciée pour « absence d’enfant à confier » après que son agrément a été initialement suspendu puis rétabli. Le département justifiait sa décision par l’application du principe de précaution, suite à une enquête pénale visant Mme B., et par le fait qu’elle n’acceptait aucun autre enfant que celui qu’elle avait accueilli avant la suspension de son agrément.

Or, la Cour a invalidé ce licenciement, soulignant plusieurs points importants :

  1. Le département n’a pas apporté la preuve de l’absence d’enfants à confier à Mme B. ni démontré l’incompatibilité de son profil avec les besoins des enfants en attente de placement.
  2. Le principe de précaution, invoqué par le département, ne peut justifier à lui seul le refus de placement et le licenciement, d’autant plus que Mme B. bénéficie de la présomption d’innocence tant que l’enquête pénale est en cours.
  3. Mme B. n’a pas refusé tout placement, contrairement à ce qu’affirmait le département.

Ce jugement clarifie les obligations des départements en matière de placement et de licenciement des assistants familiaux. Il impose une justification concrète et objective du refus de confier des enfants, et offre une meilleure protection aux assistants familiaux contre les licenciements abusifs.

Une base solide pour les droits des assistants familiaux

Le jugement de la CAA de Marseille marque une étape essentielle pour les assistants familiaux, qui, rappelons-le, jouent un rôle fondamental dans l’accompagnement et la protection des enfants. Cette décision s’inscrit dans un cadre légal qui tend à limiter les ruptures de contrat non justifiées et à valoriser le travail de ces agents.

La position de la FA-FPT

La Fédération Autonome de la Fonction Publique Territoriale (FA-FPT) milite depuis longtemps pour un statut plus protecteur des assistants familiaux, incluant leur intégration pleine et entière dans la fonction publique. La Fédération soutient que cette intégration garantirait à ces agents un statut de travailleur social reconnu, leur assurant ainsi stabilité d’emploi, reconnaissance de leurs compétences, et un cadre professionnel plus sécurisant.

Conclusion

La décision de la CAA de Marseille renforce les droits des assistants familiaux, rappelant que l’absence d’enfant confié ne peut être un motif suffisant de licenciement sans justification. Ce jugement constitue une base précieuse pour défendre les droits de ces agents dans la fonction publique territoriale. La FA-FPT réitère son engagement en faveur d’un statut fonctionnaire pour les assistants familiaux, permettant de reconnaître pleinement leur rôle social essentiel et de sécuriser durablement leur parcours professionnel.

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