Dans les conservatoires, écoles de musique ou de danse, les assistants et professeurs d’enseignement artistique jouent un rôle central dans la transmission culturelle et la formation des artistes de demain. Pourtant, ces agents essentiels de la Fonction Publique Territoriale (FPT) restent, pour beaucoup, les grands oubliés des politiques publiques locales.
Une place « à part » dans les collectivités
Les enseignants artistiques occupent une position souvent isolée dans les services territoriaux. Leurs obligations de service sont spécifiques : 20 heures hebdomadaires pour les assistants d’enseignement artistique (ATEA), 16 heures pour les professeurs (PEA), réparties sur 36 semaines, calquées sur le calendrier scolaire. Pourtant, de nombreuses collectivités remettent en cause ce rythme, tentant d’imposer une annualisation pourtant illégale pour ce statut. Les contentieux se multiplient, et la jurisprudence confirme régulièrement le droit des agents à un respect strict du calendrier scolaire.
Autre particularité : les conditions d’emploi. La majorité des ATEA sont recrutés en contrat à durée déterminée, à temps incomplet, et souvent répartis sur plusieurs employeurs pour atteindre un temps plein. Certains cumulent jusqu’à trois collectivités différentes pour vivre de leur métier. Une précarité structurelle, incompatible avec les exigences de qualité imposées par les missions artistiques.
Des agents publics mis de côté : seuls à financer leur outil de travail
Contrairement à la majorité des agents de la fonction publique territoriale, les enseignants artistiques sont les seuls à devoir utiliser leur propre matériel professionnel pour exercer leur mission. Dans la plupart des métiers de la fonction publique, les employeurs fournissent les outils nécessaires : postes informatiques, fournitures administratives, équipements techniques ou encore véhicules de service.
Rien de tout cela pour les enseignants artistiques, qui doivent non seulement se procurer eux-mêmes leur instrument – souvent coûteux – mais aussi en assurer l’entretien régulier, à leurs frais exclusifs. Avec l’inflation, nombre d’entre eux ne peuvent même plus envisager le remplacement ou la réparation de leur instrument, ce qui met en péril la qualité de leur enseignement. Cette situation injuste, rarement prise en compte par les collectivités, illustre l’isolement de ces professionnels dans le paysage de la fonction publique.
Des missions exigeantes, une reconnaissance absente
L’accès aux cadres d’emploi se fait par concours sélectifs, exigeant un niveau artistique élevé. Ces professionnels enseignent des disciplines telles que la musique, la danse ou le théâtre, participent à des projets culturels, assurent le suivi individuel des élèves, et contribuent à la dynamique artistique des territoires.
Malgré cette richesse de missions, la reconnaissance professionnelle reste marginale :
- La grille indiciaire des ATEA est peu attractive, avec un déroulé de carrière figé.
- Le passage aux grades supérieurs (comme professeur d’enseignement artistique) reste rare, souvent conditionné à des concours inaccessibles pour les contractuels.
- L’exclusion du RIFSEEP (IFSE, CIA, etc.) les prive de régimes indemnitaires équitables. Seule l’ISOE (Indemnité de Suivi et d’Orientation des Élèves), modulable selon les choix des collectivités, leur est parfois accordée, sans équivalence avec les primes des autres services.
Un flou réglementaire sur les obligations de service
Le décret n°2012-437 définit le cadre d’emploi des enseignants artistiques. Pourtant, l’application est hétérogène d’une collectivité à l’autre. Les enseignants dénoncent une absence de cadrage clair sur :
- Les temps de préparation pédagogique
- La participation aux réunions et projets
- Les activités connexes non comptabilisées dans les obligations de service
Ce flou alimente les dérives : charges de travail non reconnues, horaires éclatés, pressions pour assurer des permanences hors temps scolaire…
La mobilisation syndicale pour une réforme structurelle
Face à ces constats, la Fédération Autonome de la Fonction Publique Territoriale (FA-FPT) porte des revendications claires, fruit d’un dialogue constant avec les agents et leurs représentants :
📌 Nos revendications pour les enseignants artistiques :
- Revalorisation des grilles indiciaires des ATEA et PEA
- Suppression des distinctions obsolètes entre ATEA B ni 1 et ni 2
- Généralisation de la prime spécifique à hauteur des responsabilités (ISOE fixe et variable)
- Un véritable régime indemnitaire qui compense les frais des agents et une réelle prise en charge de leur frais liés à leurs missions
- Facilitation de l’accès aux concours internes et multiplication des voies d’évolution
- Harmonisation nationale des obligations de service sur la base de 36 semaines
- Création de postes à temps complet statutaire pour sortir de la précarité
- Titularisation des contractuels en poste depuis plusieurs années
La FA-FPT demande aussi que les missions culturelles soient pleinement reconnues comme des piliers du service public, au même titre que l’éducation ou la petite enfance. Car au-delà de l’enseignement, ces professionnels assurent un maillage culturel de proximité, participent à l’animation de la vie locale, et favorisent le vivre-ensemble.
🧩 Des artistes de demain aux citoyens d’aujourd’hui
Les enseignants artistiques façonnent chaque jour les citoyens de demain. Leur travail développe la sensibilité, la rigueur, l’ouverture culturelle. Pourtant, ils doivent trop souvent le faire dans des conditions d’emploi indignes de leur engagement.
La FA-FPT rappelle que la culture n’est pas une variable d’ajustement budgétaire, mais un levier de cohésion sociale et de dynamisme territorial. Il est temps d’investir dans ces métiers, de clarifier les règles, d’en finir avec la précarisation et de donner aux enseignants artistiques la place qu’ils méritent dans la Fonction Publique Territoriale.