🔍 Un manquement lourd de conséquences
Dans la fonction publique territoriale, l’entretien professionnel ne se résume pas à une simple formalité. Il s’agit d’une obligation légale fondamentale, garante de l’évaluation de l’agent public, de son évolution de carrière et, surtout, de l’ouverture de droits à certaines primes. Lorsqu’une collectivité omet d’organiser ces entretiens, elle commet une faute susceptible d’engager sa responsabilité.
Le tribunal administratif de Nîmes l’a récemment rappelé dans une décision, condamnant une commune à indemniser un agent privé de son droit au complément indemnitaire annuel (CIA) faute d’entretien. Cette jurisprudence souligne avec force que l’absence d’entretien professionnel peut entraîner un préjudice financier réel pour l’agent — un droit désormais reconnu à réparation.
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📜 Cadre légal de l’entretien professionnel dans la fonction publique territoriale
Qu’est-ce que l’entretien professionnel ?
L’entretien professionnel est une rencontre formelle et annuelle entre un agent public et son supérieur hiérarchique. Ce moment d’échange permet d’évaluer :
- Les résultats professionnels obtenus
- La manière de servir
- L’atteinte des objectifs fixés
- Les perspectives de formation et d’évolution
Depuis la réforme de la fonction publique de 2007, cet entretien remplace la notation administrative et revêt une portée décisive dans la gestion des ressources humaines des collectivités.
Quelle est son obligation juridique pour l’administration ?
L’obligation d’organiser cet entretien est codifiée dans le Code général de la fonction publique (« Appréciation de la valeur professionnelle » Articles L521-1 à L521-5). Toute autorité territoriale se doit donc :
- D’organiser annuellement l’entretien
- De notifier un compte rendu à l’agent
- De conserver une trace écrite des échanges
Faillir à cette obligation constitue une illégalité fautive. Cela ouvre la voie à une demande de réparation du préjudice subi par l’agent concerné.
⚖️ La faute de l’administration en cas d’omission
La responsabilité administrative engagée
Lorsqu’un agent public est privé d’un droit par négligence de son administration, la faute de celle-ci peut être qualifiée de « faute de service ». L’omission répétée de réaliser les entretiens professionnels s’analyse en manquement à une obligation réglementaire.
La privation de chance comme fondement juridique
Le principe de « perte de chance » permet à un agent de réclamer une indemnité même s’il n’est pas certain qu’il aurait obtenu le CIA. Il suffit de démontrer :
- L’absence d’entretien pendant une période significative
- L’existence d’un régime indemnitaire lié à l’évaluation professionnelle
- La perte de possibilité réelle de bénéficier d’une prime
Cette logique a été validée par le juge administratif.
💸 Lien entre entretien professionnel et primes (CIA, RIFSEEP, IAT)
Le complément indemnitaire annuel (CIA) expliqué
Le CIA est une prime issue du régime RIFSEEP (régime indemnitaire tenant compte des fonctions, sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel). Son attribution est subordonnée à l’appréciation annuelle de la valeur professionnelle de l’agent.
Le rôle de l’entretien dans l’attribution des primes
Sans entretien, aucune base d’évaluation ne permet d’attribuer légalement le CIA. L’agent peut donc démontrer que son absence d’évaluation :
- L’a privé de l’examen de ses mérites
- A conduit à l’absence de versement de la prime
- A généré un préjudice financier direct
📚 Étude de cas : l’affaire de Montpezat (TA Nîmes, 2021)
Contexte du litige
Un agent de la commune de Montpezat (Gard) n’avait pas bénéficié d’entretiens professionnels depuis 2015. Rejeté dans sa demande de CIA, il a saisi le tribunal administratif de Nîmes.
Motifs de la condamnation
Le juge a retenu :
- L’illégalité fautive de l’administration
- L’absence totale d’évaluation professionnelle depuis plusieurs années
- La privation de toute chance de bénéficier du CIA
Détail du préjudice et montant de l’indemnisation
L’agent, relevant du groupe 2 (catégorie C), pouvait prétendre à 100€/mois de CIA. Sur 40 mois, cela représentait 4 000 €. Le juge a ordonné l’indemnisation intégrale de ce montant.
La FA-FPT : pour une reconnaissance juste et équitable de tous les agents
La FA-FPT défend une vision alternative du RIFSEEP, fondée sur la reconnaissance de la valeur de tous les agents territoriaux, indépendamment de leur « performance » individuelle. Nous militons pour :
- La suppression du CIA : Nous considérons que la rémunération au mérite est incompatible avec les valeurs de solidarité et de justice sociale qui sont au cœur de notre engagement syndical.
- La revalorisation de l’IFSE avec l’instauration de montants planchers : Nous plaidons pour un renforcement de l’IFSE, notamment par la mise en place de montants planchers, afin de garantir une rémunération décente et équitable à tous les agents, en fonction de leurs responsabilités et de leurs compétences.
- La transparence et la concertation : Nous exigeons des critères d’attribution clairs et objectifs pour l’IFSE, ainsi qu’une véritable participation des agents aux décisions concernant leur rémunération.
Le RIFSEEP est un enjeu majeur pour l’avenir de la fonction publique territoriale. La FA-FPT est à vos côtés pour défendre une vision juste et solidaire de la rémunération. Rejoignez-nous !
❓ FAQ – Questions fréquentes
1. L’entretien professionnel est-il obligatoire chaque année ?
Oui, la loi impose un entretien professionnel annuel pour tous les agents publics. Son absence constitue un manquement aux obligations de l’employeur public.
2. Que faire si je n’ai pas eu d’entretien depuis plusieurs années ?
Vous pouvez alerter votre hiérarchie par écrit, solliciter l’accompagnement de votre syndicat local ; qui vous accompagnera lors d’un entretien et envisagera avec vous un recours contentieux si cela entraîne un préjudice financier.
3. Puis-je prétendre à une indemnité si je n’ai pas eu d’entretien ?
Oui. Si vous prouvez que l’absence d’entretien vous a privé de la possibilité de percevoir une prime comme le CIA, vous pouvez demander réparation.
4. Comment évaluer le montant de mon préjudice ?
Il est calculé selon le montant mensuel potentiel du CIA multiplié par le nombre de mois d’absence de prime.
5. Puis-je engager un recours sans avocat ?
Oui, mais l’assistance d’un représentant syndical ou d’un avocat est fortement recommandée pour monter un dossier solide. Par chance, la FA-FPT peut vous accompagner avec l’aide d’un cabinet d’avocats.
6. La jurisprudence de Montpezat s’applique-t-elle à tous ?
Oui. Cette jurisprudence peut être invoquée dans d’autres situations similaires, dans d’autres collectivités territoriales.