La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 2 octobre 2024, a mis fin à une pratique controversée dans le domaine de la protection de l’enfance : le placement éducatif à domicile (PEAD). Cette décision vient confirmer un précédent avis du 14 février 2024, selon lequel le PEAD doit être requalifié en mesure d’assistance éducative en milieu ouvert (AEMO) renforcée ou intensifiée. Ce changement marque un tournant dans les modalités de prise en charge des enfants en danger, remettant en question l’utilisation du PEAD par les départements et les services de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE).
Le placement éducatif à domicile (PEAD) : une mesure désormais jugée inadéquate
Le placement éducatif à domicile permettait jusqu’ici de maintenir l’enfant dans son milieu familial, tout en bénéficiant de l’intervention régulière d’éducateurs spécialisés ou d’autres professionnels du service d’assistance éducative. Introduit pour pallier le manque de places dans les familles d’accueil et les foyers, le PEAD a été utilisé dans plusieurs départements pour répondre à une hausse constante des demandes de placement. Cependant, cette mesure a souvent été critiquée, car elle ne garantissait pas une réelle protection des enfants confrontés à des situations de danger dans leur environnement familial.
Le 2 octobre 2024, la Cour de cassation a définitivement clos le débat : le PEAD ne peut pas être considéré comme une mesure de placement. Selon la Haute Juridiction, il s’agit plutôt d’une assistance éducative en milieu ouvert, telle que définie à l’article 375-2 du Code civil, sans possibilité de le requalifier en « placement ». Par conséquent, les juges estiment que le PEAD n’apporte pas les garanties nécessaires à la protection des mineurs lorsqu’un placement judiciaire est requis.
Pourquoi cette décision ? Les fondements juridiques de la Cour de cassation
L’arrêt du 2 octobre 2024 s’appuie sur plusieurs points fondamentaux du droit de la protection de l’enfance. La Cour de cassation rappelle que le placement judiciaire, au sens de l’article 375-3 du Code civil, implique un retrait de l’enfant de son environnement familial en raison de la gravité du danger auquel il est exposé. Or, le PEAD ne répond pas à cette exigence, car l’enfant continue de résider chez ses parents, sous leur responsabilité civile, avec seulement un accompagnement éducatif extérieur. Cela crée une ambiguïté juridique quant à la nature réelle de cette mesure, notamment en ce qui concerne la responsabilité de l’enfant et la prise en charge de ses besoins par l’ASE.
Le 14 février 2024, la Cour de cassation avait déjà émis un avis similaire, requalifiant le PEAD en AEMO renforcée. Cet avis avait suscité de nombreuses réactions de la part des professionnels de l’enfance et des départements qui avaient recours à cette mesure. L’arrêt du 2 octobre vient ainsi renforcer cette position et met un terme à la possibilité de considérer le PEAD comme un placement à part entière.
Quelles conséquences pour les services de l’Aide Sociale à l’Enfance?
La décision de la Cour de cassation oblige les départements à revoir leur stratégie en matière de protection de l’enfance. Le PEAD ne pouvant plus être utilisé comme un substitut de placement, les services de l’ASE doivent désormais se tourner vers des solutions plus adaptées (en adéquation avec la loi), comme le placement en famille d’accueil ou en foyer, lorsqu’un éloignement du milieu familial est nécessaire.
De plus, les départements devront renforcer leurs dispositifs d’assistance éducative en milieu ouvert pour accompagner les familles, sans toutefois recourir au PEAD en tant que solution de substitution. Cette décision devrait également conduire à une refonte des pratiques en matière de prévention et d’évaluation des situations familiales, afin de garantir la sécurité et le bien-être des enfants.
Une crise structurelle qui appelle à une réforme de l’ASE
La décision du 2 octobre 2024 intervient dans un contexte de crise profonde de l’Aide Sociale à l’Enfance. Les conditions de prise en charge des mineurs sont de plus en plus inadaptées, et les structures d’accueil sont saturées, exposant les enfants à des situations précaires, voire dangereuses. Face à cette situation, une nouvelle commission d’enquête pourrait bientôt voir le jour, comme l’a évoqué la députée Isabelle Santiago. Son objectif ? Évaluer les défaillances actuelles de l’ASE et proposer des solutions concrètes pour sortir de cette impasse.
Le redépôt de cette demande de commission d’enquête survient après l’interruption des travaux en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale en juin dernier. Soutenue par des députés de divers groupes parlementaires, cette initiative témoigne de l’urgence d’agir pour améliorer la protection des enfants pris en charge par un système à bout de souffle. La nouvelle commission devra se pencher sur des problématiques majeures : l’insuffisance des structures d’accueil, les délais d’attente pour accéder aux soins, ou encore le manque de soutien des jeunes jusqu’à leur majorité.
Position de la FA-FPT : Appel à une grande réforme de l’Aide Sociale à l’Enfance
La Fédération Autonome de la Fonction Publique Territoriale (FA-FPT) soutient l’idée d’une refonte en profondeur de l’Aide Sociale à l’Enfance. La fin du PEAD comme mesure de placement doit être l’occasion de repenser globalement les politiques de protection de l’enfance. La FA-FPT appelle à un renforcement massif des moyens alloués à l’ASE, à la revalorisation des métiers du secteur (assistants familiaux, éducateurs, assistants sociaux,…) et à une meilleure articulation entre les services publics et les collectivités territoriales.
Pour la FA-FPT, il est temps de mettre en place un plan d’action national ambitieux pour répondre à la crise de l’ASE et garantir des conditions de prise en charge dignes et sécurisantes pour tous les enfants. La mobilisation des acteurs publics et associatifs sera cruciale pour trouver des solutions durables, à travers un dialogue social constructif et un engagement politique fort.